A l’automne 2016, je suis partie en Équateur. Un mois seule, à parcourir les villes, à marcher dans les Andes, à découvrir la forêt amazonienne, …
Le film de Pierre Carles sur Correa et la bande dessinée de Tronchet m’avaient donné envie d’aller découvrir ce pays et de me faire mon propre point de vue.
Avant de partir j’avais contacté des amiEs pour qu’ils-elles me donnent des contacts intéressants et parmi ceux-ci figurait François Houtart, qui vivait à Quito depuis plusieurs années. Je le connaissais peu, j’avais une vague idée de son parcours mais il me semblait que le travail du CETRI (association qu’il avait créée) était précieux. J’ai poursuivi la lecture d’articles d’analyse sur l’Équateur en général sans m’intéresser à la personne de François Houtart en particulier.
Je lui ai envoyé un e-mail auquel il a répondu avec une rapidité et une amabilité déconcertantes.
Je l’ai donc rencontré et il m’a consacré plus d’une heure pour me donner son point de vue sur le pays et l’Amérique latine en général. Je crois que ce moment a été l’un des plus importants de mon voyage. Grâce à des propos mesurés et nuancés, François Houtart m’a offert une vision globale et une analyse fine de la situation politique.
Revenue au plat pays, j’avais bien l’intention de faire quelque chose de cette interview. Estimant que l’enregistrement sonore était de piètre qualité (réaliser un entretien dans un hall ouvert à la circulation automobile n’est pas l’idéal), j’espérais pouvoir transformer cela en un article. Avant d’écrire au magazine auquel je pensais, j’ai fait un tour rapide sur Wikipedia et y ai découvert avec stupeur les mots « attouchements sexuels » et « pédophilie ». Avais-je été au courant ? Est-ce que j’avais évacué cette information de ma mémoire ? Y avait-il une erreur sur Wikipedia ? Je ne savais plus quoi penser. Tout en étant déstabilisée, j’ai écrit au magazine qui m’a confirmé l’impensable.
Pendant des mois, je me suis dit que je devais écrire à François Houtart, ne fût-ce que parce que je lui avais promis de lui donner de mes nouvelles. Mais j’étais bloquée. Divers sentiments me traversaient : tristesse, colère, déception, regrets, empathie,… Même si ce qui me tourmentait n’avait strictement rien à voir avec notre conversation et ne rendait pas moins légitime son contenu, je ne pouvais faire fi de cette information. Je remettais sans cesse à plus tard.
Les mois ont passé... et un jour, François Houtart est mort. J’ai été attristée par cette nouvelle et encore aujourd’hui quand j’écris ces mots, je suis émue. Depuis 2 jours, j’écoute sa voix de vieux monsieur dans mon casque et je me suis décidée à monter l’entretien pour en sortir quelques capsules sonores.
Sans nier le passé, j’estime que son analyse politique a de la valeur et qu’elle mérite d’être entendue.
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